De l'addiction

29/04/2019

La limite entre l'assouvissement de sa passion et l'addiction est parfois ténue quand tu es jeune. En grandissant en revanche, les passions de petit s'étiolent et on se tourne vers des objets qui requièrent une prise de risque plus grande.

Pour ma part, petit, j'avais une fascination pour les écrans. Je pouvais regarder la télé toute la journée. Au collège, je regardais tous les matches de foot qui passaient et dans le même temps, tous les programmes de Télétoon. Je devais avoir 12 ans. Entre temps, vinrent les mangas. J'ai toujours été un grand fan de Dragon Ball Z, j'ai donc (re)commencé par celui-là. Je squattais le marchepied du libraire toute l'après-midi pour lire des tomes jusqu'au jour où il en a eu marre. Ensuite, on passait des après-midis entières à la Fnac à lire. On y a même embarqué mon père ma soeur et moi quand il venait nous voir ! Une vraie boulimie.

Mes proches peuvent en attester, lorsque j'aime quelque chose, je suis souvent dans l'abus. Les mangas, les écrans, la musique, le jus de pomme, le poulet, etc. Tous ces objets de mon désir sont devenus des obsessions. Et un jour, je goutais la weed. Au début, cela restait occasionnel. Une fois de temps en temps. Jamais seul. Toujours dans un endroit safe avec des gens de confiance. Rarement une ambiance festive. Mais progressivement, j'ai fait sauté les verrous. Et plus je le faisais, plus je m'isolais mentalement. J'avais enfin un truc dont j'avais honte. J'avais un secret que je mettais à jour quotidiennement. « J'ai pas envie d'avoir des conversation relous ». « On va cesser de m'aimer ». « Je gère ma consommation donc pas la peine d'en parler. » Toutes ces raisons, bien valables de surcroit, m'ont empêché pendant quelques années de vivre ma vie pleinement.

Je compartimentalisais de plus en plus en fonction de qui fumait, qui avait fumé, qui ne fumait pas mais comprenait, et ceux qui ne comprenaient pas. Les nuances liés à l'unicité de chaque personnalité me morcelaient un peu plus à chaque nouvelle conversation sur mon état. La weed m'a transformé en Voldemort et ces conversations étaient mes horcruxes.

Cela dit, je fumais pour m'évader. A mon retour de NYC, pour moi, être requerrait une force mentale qu'il est difficile de maintenir sans palliatif. Le sport ne me suffisait plus, j'avais pas de lieu où je me sentais chez moi, je n'avais plus d'objectif de vie comme j'avais fini par accomplir tout ce dont j'avais rêvé. J'avais perdu de vue l'enfant que j'étais. J'avais arrêté de rêver. Ou plutôt, je rêvais d'une relation qui me sauverait de ce marasme personnel et individuel. J'avais sauvé des gens, j'attendais donc mon sauveur, moi ou un autre. Mais mon corps et ma relation amoureuse m'ont tous deux abandonnés. Et je sombrais dans la dépression.

Aujourd'hui, je développe de nouvelles addictions. Plus positives celles-ci. Prendre soin de moi, être sensible, écrire, méditer, etc. Je me comble l'esprit et le corps de nourriture à forte énergie positive pour pouvoir apprécier les moments où je m'évade.

Je comprends aujourd'hui que s'empêcher de penser n'est pas une solution viable sur le long terme. Elle ne fait que repousser le mal-être à plus tard. La solution est en nous. Recréer un projet de vie qui nous permet de ne pas avoir peur de penser. Avoir confiance en soi pour ne pas avoir à s'inventer un monde.

Le type d'addiction est souvent le reflet de l'amour qu'on se porte. Choisir une addiction positive revient donc à créer une habitude qui dénote directement de la volonté de s'aimer. Cela est nécessaire à l'épanouissement. N'est-ce pas là ce que l'on recherche tous quelque part ?